- accueil
- nouvelles
- liste des allocutions
- allocution
NOUVELLES: ALLOCUTIONS DG PASCAL LAMY
Forum public de l'OMC 2008: “Un commerce tourné vers l'avenir”
Mesdames, Messieurs,
Bienvenue à l'OMC!
Cette année, l'OMC ouvre ses portes au public à un moment où les
journaux font leurs grands titres en annonçant une possible Grande crise
“bis”. Mais aux États-Unis, où plusieurs géants de la finance ont tiré
la sonnette d'alarme la semaine dernière, comme partout dans le monde,
les responsables politiques cherchent désespérément à éviter les erreurs
qui ont aggravé la crise financière des années 30.
Tous affirment que l'on a tiré les leçons de la Crise de 1929 et que les
nombreuses décisions erronées prises alors par les pouvoirs publics
seront évitées. L'une des principales leçons de la Grande crise, une
leçon à retenir, est que le protectionnisme et l'isolationnisme
économique ne fonctionnent pas. Ce sont des politiques du passé qui ne
devraient avoir aucune place dans notre avenir.
En période de crise, on pourrait être tenté de donner aux producteurs
l'assurance qu'ils sont protégés de la concurrence en fermant les
frontières aux biens et services importés, mais il ne faut pas agir
ainsi. La tristement célèbre Loi Smoot-Hawley de 1930, qui institua aux
États-Unis des droits de douane exceptionnellement élevés sur plus de 20
000 produits importés, a eu pour seule conséquence de déclencher une
guerre commerciale entre les nations. Cela a entraîné l'appauvrissement
de tous et a montré que le protectionnisme et les politiques du chacun
pour soi conduisaient à une impasse.
En période de crise financière et de tourmente économique, en
particulier à un moment où les prix mondiaux des produits alimentaires
flambent, les consommateurs ont surtout besoin que l'on donne un coup de
pouce à leur pouvoir d'achat, au lieu de le réduire. En période de
crise, il faut faire en sorte que les consommateurs puissent acheter
plus pour moins. La tentation de fermer les frontières va exactement
dans le sens opposé. Il est donc certain que la tempête qui frappe les
marchés financiers ne doit pas dissuader la communauté internationale de
poursuivre ses efforts d'intégration économique et d'ouverture. Mais
pour être à la fois durable et équitable, cette intégration doit être
fondée sur des règles. Et ces règles doivent être mises à jour
régulièrement.
Cette année, le Forum public est intitulé judicieusement “Un commerce
tourné vers l'avenir”. Ce titre renferme une question: Quel type de
régime commercial international léguerons-nous aux générations futures?
Voulons-nous un système commercial multilatéral renforcé, fondé sur des
règles, et un mécanisme efficace de règlement des différends entre les
Membres, ou bien voulons-nous une spirale d'accords de libre-échange?
Les partisans des ALE soulignent l'inefficacité du processus
multilatéral. Ils font valoir qu'un système commercial multilatéral qui
mène un cycle de négociations — en l'occurrence, le Programme de Doha
pour le développement — pendant sept ans, sans pouvoir l'achever, est un
système en panne.
Mais à ceux-là, je dis: Combien de temps vous faut-il pour négocier un
accord de libre-échange? Bien souvent, la réponse est que cela prend
exactement le même temps, mais pour un résultat limité à deux acteurs ou
à quelques acteurs seulement et à un petit nombre de sujets. Il faut
donc à coup sûr donner plus de crédit aux efforts faits au niveau
international pour actualiser les règles de l'Organisation mondiale du
commerce, effort dont la portée englobe les 153 Membres de
l'Organisation
À ceux qui doutent du processus multilatéral, je dirais aussi: Où est l'ALE
qui a permis de réduire les subventions? La réduction des subventions
qui faussent les échanges n'est-elle pas essentielle pour égaliser
effectivement les conditions des relations commerciales internationales?
Le point fort des ALE est peut-être la réduction des droits de douane
mais ce n'est certainement pas la réduction des subventions. Je ne vois
donc pas vraiment beaucoup d'alternatives au système de l'OMC — aussi
imparfait soit-il aujourd'hui!
À ceux qui doutent de l'importance de la réduction des subventions pour
les pauvres, je rappellerai les nombreux différends relatifs à des
subventions qui ont été portés devant l'OMC, comme l'affaire du coton
contre les États-Unis ou le différend sur le sucre contre la Communauté
européenne. Ce sont les subventions de ce genre qui ont amené les pays
en développement à mettre les négociations agricoles au premier plan du
Programme de Doha pour le développement. En agissant ainsi, les pays en
développement ont pour ainsi dire demandé aux pays développés de “tenir
leur promesse d'ouverture du commerce”. C'est ce qui fait l'importance
de l'OMC en tant qu'enceinte de négociations. Une enceinte dans
laquelle, je tiens à le souligner, les Membres qui ne comptent que
quelques millions d'habitants peuvent soulever des différends à
l'encontre de continents entiers, et les gagner.
Alors, si le système commercial multilatéral nous est si utile à tous,
comment faire pour qu'il soit tourné vers l'avenir? Ma réponse est que
nous ne pourrons assurer le succès de l'OMC dans l'avenir que si nous
pouvons le faire dans le présent. Le Programme de Doha pour le
développement doit être achevé à la satisfaction de tous les
participants pour qu'une OMC renforcée puisse aller de l'avant. En
d'autres termes, “commençons par le commencement”, pour dire les choses
simplement.
Aujourd'hui, dans le Cycle de négociations commerciales de Doha, le
monde a sous les yeux un paquet de mesures comprenant: la réduction des
subventions agricoles inéquitables; la réduction des barrières
tarifaires pour les produits industriels et les produits agricoles; la
réduction des obstacles au commerce des services essentiels comme les
services bancaires, les services relatifs à l'énergie et les services
environnementaux; et, en plus, une myriade de nouvelles règles
commerciales dans des domaines comme la facilitation des échanges,
l'antidumping ou les subventions à la pêche, pour n'en citer que
quelques uns. L'objectif de tout cela, c'est de mettre le système
commercial en phase avec les nouvelles réalités du marché.
Mais au-delà il y a un objectif politique plus fondamental. Le Cycle de
Doha a en effet pour objet de renouveler l'“affectio societatis” —
c'est-à-dire les vœux du contrat initial de l'OMC —, ses deux principes
de base étant, premièrement, que les contributions à une plus grande
ouverture commerciale soient fondées sur le niveau de développement des
Membres et, deuxièmement, que les Membres soient liés par un ensemble
d'obligations internationales.
Malgré le contretemps survenu en juillet dernier dans les négociations
de Doha, les discussions ont repris une fois encore en vue de parvenir,
d'ici à la fin de l'année, à un accord sur les paramètres pour la
réduction des tarifs et des subventions (ce que nous appelons dans notre
jargon les “modalités”). Cette étape doit, à n'en pas douter, être
franchie avant que l'on puisse envisager d'élargir le programme de l'OMC
ou de modifier ses pratiques en matière de prise de décisions.
Notre travail est actuellement soumis à trois contraintes principales:
la première est l'approche ascendante, qui veut que les Membres prennent
toujours l'initiative de présenter des propositions de négociation et
des solutions de compromis; la deuxième est la notion d'“engagement
unique”, qui suppose que, dans un cycle de négociations portant sur 20
sujets différents, rien n'est convenu tant que tout n'est pas convenu;
et la troisième est la prise de décisions par consensus, ce qui est
assez proche de l'unanimité.
Ces trois facteurs combinés ont assurément freiné le processus de
négociation, mais ils sont aussi essentiels pour assurer la légitimité
et l'équilibre des résultats des négociations. Et je suis fermement
convaincu que le Cycle de Doha doit simplement pouvoir aboutir avec ces
facteurs! Personnellement, je ne pense pas que ce soit le moment
d'engager des négociations parallèles sur la façon de négocier! On verra
plus tard!
Le Cycle de Doha est une importante occasion pour la société civile de
faire entendre sa voix. Plusieurs des questions figurant au programme de
négociation sont des questions sur lesquelles elle se bat depuis
longtemps et avec vigueur, notamment celles de la réduction des
subventions agricoles accordées par les pays riches, de la réduction des
subventions à la pêche préjudiciables à l'environnement, de l'ouverture
du commerce aux biens et services environnementaux et de la
compatibilité des règles de l'OMC et des accords environnementaux
multilatéraux. Ces questions étant maintenant solidement inscrites à
l'ordre du jour, la société civile doit poursuivre le dialogue avec l'OMC.
Je vous dirai, Mesdames et Messieurs, que vous avez du pain sur la
planche! Vous devez nous aider à aboutir sur chacune de ces questions
sans exception.
Le règlement satisfaisant de certaines de ces questions pourrait déjà
contribuer grandement à résoudre des problèmes comme la crise des prix
des denrées alimentaires et le changement climatique. La réduction des
tarifs et des subventions agricoles favoriserait le déplacement de la
production agricole vers les pays en développement, ce qui permettrait
de mieux adapter l'offre à la demande et de remédier aux causes
structurelles de la crise alimentaire. De même, l'ouverture du commerce
des biens et services environnementaux, en particulier des technologies
respectueuses du climat, peut aider les pays qui en ont besoin à se
procurer le matériel indispensable pour prévenir et réduire la
pollution, ce qui atténuerait la crise climatique.
Lors du Forum public de l'an dernier, j'ai cité certains des cas où la
société civile avait réussi à influencer l'OMC, notamment dans le
domaine des ADPIC et de l'accès aux médicaments. Le premier envoi de
médicaments génériques contre le sida du Canada au Rwanda, a eu lieu
tout juste hier, en vertu des dispositions adoptées dans le cadre du
mandat de Doha. J'invite aujourd'hui la société civile à continuer de
proposer des idées et des solutions. C'est seulement avec votre
participation active que l'OMC pourra devenir le genre d'institution
auquel vous aspirez pour l'avenir.
Le présent forum, organisé selon l'approche ascendante habituelle, est
votre forum. Vous avez vous-mêmes établi le programme et organisé les
nombreuses séances qui auront lieu aujourd'hui et demain. Nous n'avons
fait que vous fournir un lieu de rencontre. Mais, à mon avis, ce que
nous vous donnons de plus précieux pendant ces deux jours, c'est notre
attention. Pour les Membres de l'OMC, comme pour le personnel du
Secrétariat, le moment est venu d'écouter et d'apprendre. Permettez-moi
donc de conclure en vous remerciant d'avoir rendu ce Forum possible.
> Des problèmes pour visualiser cette page?
Veuillez écrire à [email protected] en indiquant le système d’exploitation et le navigateur que vous utilisez.