Ouagadougou,
20 avril 2002
Emploi et lutte contre la pauvret?en Afrique
R閡nion
des Ministres Africains charg閟 du Travail et de l'Emploi
25鑝e Session Ordinaire de la commission du travail et des affaires
sociales de l'Organisation de l'Unit?Africaine (OUA)
Discours de Monsieur Ablasse Ouedraogo Directeur G閚閞al adjoint de L'Organisation Mondiale du Commerce (OMC)
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Excellence Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Pr閟ident du Conseil d'Administration du BIT,
Excellences Mesdames et Messieurs les Ministres,
Excellence Monsieur le Secr閠aire G閚閞al de l'Organisation de l'Unit?Africaine,
Monsieur le Directeur G閚閞al de l'Organisation Internationale du Travail,
Excellences Mesdames et Messieurs les Membres du Corps Diplomatique et Repr閟entants des Organisations Inter-Africaines et Internationales,
Mesdames et Messieurs,
Le Directeur G閚閞al de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), Monsieur Mike Moore, m'a pri?de le repr閟enter ?cette importante r閡nion des Ministres Africains, Charg閟 du Travail et de l'Emploi, qui se tient aujourd'hui ?Ouagadougou autour du th鑝e tr鑣 pertinent 搇'emploi et la lutte contre la pauvret?en Afrique?
Mon propos sera longuement illustr?par des chiffres et des statistiques.
Les besoins et les d閒aillances sont vite r関閘閟 par une telle pr閟entation. Cependant, l'関entuel aridit?des chiffres projette parfois une impression de d閠achement et d'artifice face ?une situation de pauvret?qui annihile les aspirations et les ambitions de franges consid閞ables de populations, aussi bien au Nord qu'au Sud, et plus particuli鑢ement en Afrique.
La r閍lit?dont nous sommes saisis est dure, douloureuse, et souvent impitoyable. Quand l'emploi d閟erte, quand la pauvret?progresse, ce sont des enfants, des femmes, et des hommes qui sont atteints dans leur dignit? qui sont fauch閟 dans leur 閘an, et qui sont confront閟 de la pire mani鑢e qui soit, aux interrogations sur le sens de la vie.
C'est avec ces pr閛ccupations, pr閟entes ?l'esprit, que je vous avancerai les vues de l'Organisation Mondiale du Commerce sur la question de l'emploi et la lutte contre la pauvret?en Afrique.
A l'heure de la mondialisation, la pr閛ccupation commune est de toute 関idence la r閍lisation du d関eloppement durable pour tous, celle-ci 閠ant comprise comme un d関eloppement qui r閜ond aux besoins du pr閟ent sans compromettre la capacit?des g閚閞ations futures de r閜ondre aux leurs.
Cette nouvelle situation permet d'ailleurs de comprendre facilement qu'il est impensable de dissocier la recherche du d関eloppement de la lutte contre la pauvret? Et tous les efforts de la communaut? internationale sont aujourd'hui focalis閟 sur la recherche de solutions appropri閑s pour r閐uire de fa鏾n drastique la pauvret? dans les prochaines ann閑s. La D閏laration du Mill閚aire des Nations Unies, les d閏isions de la quatri鑝e Conf閞ence Minist閞ielle de l'OMC, tenue ?Doha en novembre 2001, le Consensus de Monterrey sur le financement du d関eloppement, le Sommet sur le Financement du Nouveau Partenariat pour le D関eloppement de l'Afrique (NEPAD), qui vient de se tenir ?Dakar au S閚間al, le Sommet Mondial sur le D関eloppement Durable, pr関u ?Johannesburg en Afrique du Sud en septembre 2002, s'inscrivent au nombre des efforts d閜loy閟 par la Communaut?Internationale dans ce sens.
Cependant, force est de constater que bien que la plan鑤e n'ait jamais produit autant de richesses et que les 閏hanges entre les hommes n'aient jamais 閠?aussi nombreux et importants en volume, la production mondiale 閠ant aujourd'hui 50 fois sup閞ieure ?son niveau de 1820 pour une population 6 fois plus nombreuse, le probl鑝e de l'閞adication de la pauvret?demeure toujours aussi aigu que par le pass? en d閜it de la croissance 閏onomique rapide enregistr閑 dans plusieurs parties du monde.
En effet, sur les 6 milliards d'habitants qui vivent sur notre plan鑤e, et nous serons 8 milliards d'individus sur la terre dans seulement 25 ans, 1.3 milliard de personnes ont un revenu inf閞ieur ?1 dollar E.U. par jour pour vivre et 2.8 milliards d'individus ont moins de 2 dollars E.U. par jour. Bien que le dernier rapport de la Banque Mondiale montre qu'il y a eu une diminution, entre 1987 et 1998, du pourcentage des personnes vivant dans l'extr阭e pauvret? soit de 28.5% ?26.2% pour ceux qui doivent vivre avec moins de 1 dollar et de 61% ?56% pour ceux qui se contentent de 2 dollars, la stagnation voire la d閠閞ioration sont visibles si on regarde le nombre absolu de personnes pauvres.
A titre d'illustration, nous pouvons souligner le fait que sur 4.6 milliards d'individus vivant dans les pays en d関eloppement, plus de 850 millions sont analphab鑤es, plus de 325 millions d'enfants en 鈍e de fr閝uenter l'閏ole ne sont pas scolaris閟, 11 millions d'enfants de moins de 5 ans succombent chaque ann閑 ?des maladies, soit pr鑣 de 30.000 d閏鑣 par jour, 840 millions de personnes souffrent de malnutrition, pr鑣 de 1 milliard d'individus n'ont pas acc鑣 ?des points d'eau am閚ag閟 et 2.4 milliards d'hommes et de femmes ne disposent pas d'une infrastructure sanitaire 閘閙entaire.
Dans les pays de l'OCDE, plus de 130 millions de personnes connaissent la pauvret?mon閠aire, 34 millions de personnes souffrent du ch鬽age et 15% de la population adulte sont touch閟 par l'illettrisme selon le rapport 2001 du PNUD. Dans les pays de l'Europe de l'Est, o?l'on constate une tendance ?la baisse des indicateurs de revenu, de scolarisation et d'esp閞ance de vie, le nombre de pauvres vivant avec moins de 1 dollar au quotidien a 閠?multipli?par 20.
En Afrique subsaharienne, le revenu par habitant est actuellement moins 閘ev?qu'en 1970. Il s'est m阭e d閠閞ior?par rapport ?la zone OCDE. En 1960, il 閠ait 9 fois inf閞ieur ?celui de la dite zone et en 1998, il 閠ait 18 fois moindre. Plus de 50 pays africains ont leur revenu r閑l par habitant inf閞ieur ?ce qu'il 閠ait il y a dix ans. Selon le rapport de la Commission Economique des Nations Unies pour l'Afrique sur l'閏onomie du continent en 2000, en Afrique au sud du Sahara tout particuli鑢ement, 52% de la population vivent avec moins de un dollar par jour. La pauvret?extr阭e touche 43% de la population urbaine et 59% de la population rurale. Le Rapport 2001 du PNUD confirme que le nombre d'Africains pauvres est pass?de 217 millions en 1987 ?291 millions d'individus en 1998 et ?310 millions en 1999.
L'Afrique entame donc, le 21鑝e si鑓le, comme la r間ion la plus pauvre, la plus en retard au niveau des technologies nouvelles, la plus endett閑 et la plus marginalis閑 du monde. Elle constitue 12.5%, de la population mondiale, mais elle ne produit que seulement 3.7% du PIB global et ne contribue que pour 1.7% du commerce mondial des biens et services bien qu'exportant au moins un cinqui鑝e de son PIB annuel.
D'ailleurs, depuis le Sommet mondial sur le d関eloppement social tenu ? Copenhague, au Danemark, en mars 1995, la communaut?internationale a fait de la diminution de la pauvret?son objectif principal. Au nombre des engagements pris par le Sommet de Copenhague et renouvel閟 lors de la Session extraordinaire de l'Assembl閑 G閚閞ale des Nations Unies sur le d関eloppement social, tenue ?Gen鑦e en juin 2000, figurent l'閞adication de la pauvret?et la r閍lisation du plein emploi.
Le rapport du Mill閚aire du Secr閠aire G閚閞al des Nations Unis souligne le fait que, sur un total de 3 milliards de travailleurs que repr閟entent les forces de travail au niveau global, 140 millions de travailleurs sont sans emploi, et un quart ?un tiers d'entre eux sont sous employ閟. Dans les pays en d関eloppement, les secteurs non r間is par le droit occupent entre 50 ?70% de l'ensemble de la main-d'oeuvre.
En Afrique, et de fa鏾n g閚閞ale, la croissance de l'emploi a 閠? inf閞ieure ?celles de la population active et du Produit Int閞ieur Brut dans chaque pays, au cours de la d閏ennie 閏oul閑. Plus grave encore est le recul de l'emploi dans le secteur public. Celle-ci s'accompagne d'une situation dans laquelle une grande proportion des nouveaux emplois cr殫s, l'ont 閠?dans le secteur informel o?les conditions de travail et de productivit?sont des plus pr閏aires.
Ainsi, le probl鑝e de l'emploi demeure pr閛ccupant sur le continent, surtout que les pr関isions en la mati鑢e indiquent un taux de croissance de 2.9% par an de la population active entre 1997 et 2010, ce qui implique l'entr閑 sur le march?du travail, chaque ann閑, de 8.7 millions nouveaux demandeurs d'emploi. La permanence de la crise de l'emploi, 魌e ?celui-ci, la possibilit?de jouer le r鬺e strat間ique attendu dans le d関eloppement 閏onomique et social et d'阾re le facteur cl?dans la lutte contre la pauvret?et l'exclusion sociale observ閑 sur le Continent.
La pauvret?sous toutes ces formes constitue la plus grave menace pour la paix, la d閙ocratie, les droits de l'homme et l'environnement. C'est m阭e une bombe ?retardement contre l'essence m阭e de la libert? Mais elle peut 阾re vaincue et nous avons entre les mains les outils essentiels pour le faire. Il nous faut avoir le courage et la volont?de les utiliser correctement et de fa鏾n cibl閑. En effet, les pays pauvres ont besoin d'une croissance qui les tire de la pauvret? Le commerce peut 阾re un important moteur de cette croissance, mais actuellement les produits des pays en d関eloppement se heurtent ?de nombreux obstacles pour acc閐er aux march閟 des pays riches.
Comme le stipule clairement le pr閍mbule de l'Accord de Marrakech, instituant l'Organisation Mondiale du Commerce, les principaux objectifs de l'OMC sont le rel鑦ement des niveaux de vie, la r閍lisation du plein emploi et d'un niveau 閘ev?et toujours croissant du revenu r閑l. Il n'est pas superflu de rappeler aussi que l'OMC est attach閑 au respect des normes du travail reconnues au niveau international et, bien entendu, convaincue que l'OIT est l'organisme comp閠ent pour s'occuper d'elles. Comme vous le savez tous, le m閠ier de l'OMC est d'offrir un ensemble de r鑗les arr阾閑s d'un commun accord pour assurer la conduite ordonn閑 des 閏hanges commerciaux entre ses Membres, en leur permettant de les renforcer de mani鑢e rationnelle et d'en r閏olter les fruits.
Comme le rappelait judicieusement le Directeur G閚閞al de l'OMC, Monsieur Mike MOORE, le 18 mars dernier ?une r閡nion de l'Organisation Internationale du Travail, ?Gen鑦e, la lib閞alisation du commerce a pour effet, en premier lieu, d'abaisser les prix des biens de consommation et d'閘argir l'関entail des choix des consommateurs, tout en permettant aussi la r閍ffectation des facteurs de production ?des activit閟 ?plus forte productivit? Tous ces aspects ont certainement un effet b閚閒ique sur le bien-阾re des gens au sein de l'閏onomie qui est en cours de lib閞alisation, y compris les travailleurs. Ces derniers y gagnent parce qu'ils sont eux-m阭es consommateurs et tirent donc profit de la baisse des prix comme de l'閘argissement des choix offerts aux consommateurs. Certains d'entre eux en tireront aussi avantage parce qu'ils verront augmenter la demande des services qu'ils fournissent, ce qui rejaillira favorablement sur leurs possibilit閟 d'emploi. ?titre d'exemple, la Banque mondiale a constat?dans un rapport tr鑣 fouill?sur la r閒orme du commerce dans les pays en d関eloppement que, dans huit des neuf pays consid閞閟, l'emploi dans le secteur manufacturier avait augment?un an apr鑣 la p閞iode de lib閞alisation.
Cependant et bien que la lib閞alisation du commerce permette d'am閘iorer la situation mat閞ielle des travailleurs pris globalement, elle peut entra頽er des cons閝uences d閒avorables pour certains d'entre eux par deux m閏anismes.
Le premier m閏anisme a trait au fait que la lib閞alisation du commerce aboutira parfois ?une r閐uction permanente de la demande de certains types de services de main-d'渦vre. Les travailleurs qui fournissent ces services risquent de voir leur situation mat閞ielle empirer d閒initivement du fait de la lib閞alisation, et , c'est ce qui s'est pass?pour les travailleurs peu qualifi閟 dans les pays industrialis閟 mais, 閠ant donn?que l'閏onomie dans son ensemble gagne ?la lib閞alisation du commerce, il sera possible de d閐ommager ces travailleurs pour que tout le monde se retrouve dans une situation meilleure. Pour atteindre ce but, il faut que des m閏anismes de redistribution appropri閟 soient en place au niveau national.
Le second m閏anisme renvoie aux effets potentiels ?court terme de la lib閞alisation du commerce sur les travailleurs. Dans les secteurs qui font concurrence aux importations, certains risquent de perdre leur emploi et d'阾re temporairement au ch鬽age avant de trouver un nouvel emploi. Ils peuvent ainsi avoir ?traverser une p閞iode durant laquelle ils toucheront un revenu faible mais devront engager des d閜enses avant de trouver un nouvel emploi. M阭e si celui-ci peut en fin de compte am閘iorer leur situation mat閞ielle, cette p閞iode de transition risque de leur imposer une charge tr鑣 lourde.
Pour tout dire, la lib閞alisation du commerce peut entra頽er des co鹴s d'ajustement et peut rejaillir sur la r閜artition int閞ieure des revenus. Nous ne pensons pas pour autant que les probl鑝es de co鹴s d'ajustement et de r閜artition des revenus constituent alors des arguments s閞ieux face ?la lib閞alisation du commerce. Raison pour laquelle, on ne peut en parler ou la mettre en 渦vre que par la mise en place des politiques et institutions nationales requises. C'est ? ce prix que tout le monde peut y gagner.
Je voudrais vous redire la conviction de l'OMC que la lib閞alisation du commerce peut apporter 閚orm閙ent ?la cr閍tion de ressources pour le financement du d関eloppement. La Banque mondiale estime d'ailleurs que la suppression de tous les obstacles au commerce pourrait faire augmenter le revenu mondial de 2.800 milliards de dollars et sortir 320 millions de personnes de la pauvret?d'ici ?2015. L'閘imination de tous les obstacles tarifaires et non tarifaires pourrait se traduire, pour les pays en d関eloppement, par des gains de l'ordre de 182 milliards de dollars dans le secteur des services, 162 milliards dans le secteur manufacturier et 32 milliards dans le secteur agricole.
De fait, les subventions ?l'agriculture des pays de l'OCDE atteignent un niveau trois fois plus 閘ev?que leur aide totale aux pays en d関eloppement et 閝uivalent ?deux tiers du PIB total de l'Afrique. Le Secr閠aire G閚閞al de l'ONU recherche 10 milliards de dollars pour combattre le Sida, ce qui ne repr閟ente que 12 jours de subventions, en dollars.
Je demeure convaincu qu'il est d'importance vitale pour les emplois et les entreprises partout dans le monde que le cycle de n間ociations en cours dans le cadre du Programme de Doha pour le d関eloppement, soit men??bien. Cela se comprend ais閙ent dans la mesure o?la mondialisation se traduit effectivement par la cr閍tion de nombreux emplois dans les pays en d関eloppement et son incidence potentielle sur la pauvret?peut 阾re consid閞able.
Le commerce n'est 関idemment pas le seul facteur de d関eloppement. D'autres questions ont 間alement de l'importance, comme l'all鑗ement de la dette, les relations entre les entreprises, les pouvoirs publics et la main-d'oeuvre, les investissements dans le capital humain, la technologie, l'閐ucation, la sant?et la protection sociale, les politiques de change, les politiques fiscales et j'en passe. Des organisations autres que l'Organisation Mondiale du Commerce sont l? pour s'occuper de ces questions.
Pour terminer, je voudrais exprimer toute notre gratitude au gouvernement burkinab?et au Secr閠aire G閚閞al de l'OUA, son Excellence Monsieur Amara Essy, pour l'invitation qu'ils ont adress閑 au Directeur G閚閞al de l'OMC ?cette rencontre. Tout en exprimant nos remerciements aux Organisateurs pour la qualit?de l'accueil, je terminerai mon propos en renouvelant la disponibilit?du Secr閠ariat de l'Organisation Mondiale du Commerce pour assister les pays africains dans leurs efforts pour vaincre la pauvret?afin que s'installe le d関eloppement durable.
Je vous remercie.