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PRESS/55
10 septembre 1996
Au-Del? des fronti鑢es: G閞er un monde o?il y a la libert?des 閏hanges et une 閠roite interd閜endance
On trouvera ci-joint le texte de l'allocution que M. Renato Ruggiero, Directeur g閚閞al de l'Organisation mondiale du commerce, a prononc閑 aujourd'hui (10 septembre 1996) devant le Conseil argentin des relations ext閞ieures (Consejo Argentino para las Relaciones Internacionales) ?Buenos Aires.
La plupart des d閏ideurs, a-t-on dit, cherchent l'avenir dans le pass? Les g閚閞aux ont tendance ? appliquer au combat les strat間ies de la guerre pr閏閐ente. Les hommes d'Etat et les diplomates, charg閟 de construire l'avenir, commencent en g閚閞al par reprendre les grandes lignes du r間ime pr閏閐ent. Cette tentation de se tourner vers le pass?est encore plus forte aujourd'hui, dans notre 閏onomie qui se mondialise, o?tous les points de rep鑢e semblent nouveaux et o?le sol que nous foulons change constamment. C'est aussi beaucoup plus dangereux. Nous vivons dans un monde qui est d閖?lanc?sur la voie du libre-閏hange mondial; il s'agit d'un processus qui ne peut 阾re invers?ni frein? sans d'inimaginables co鹴s pour notre croissance et nos progr鑣 futurs. Le d閒i ? pr閟ent, c'est de nous confronter ?un monde de libre-閏hange et d'int間ration plus pouss閑, et d'en comprendre les 閚ormes avantages. Edifier une structure globale qui soit ouverte, universelle et fond閑 sur des r鑗les, ou bien vivre dans un syst鑝e v閞itablement anarchique, tels sont les termes de l'alternative. Un chapitre de l'histoire 閏onomique mondiale s'est achev?avec la r関olution technologique des derni鑢es d閏ennies et les gigantesques efforts de lib閞alisation symbolis閟 par le Cycle d'Uruguay, un autre va s'ouvrir, dont le contenu d閜endra des d閏isions que nous allons prendre dans les mois et les ann閑s ?venir.
Avancer que la mondialisation est de plus en plus une r閍lit?ne signifie pas que nous soyons sur le point de lib閞er les 閏hanges commerciaux dans tous les secteurs ou dans toutes les r間ions du monde. A l'関idence, c'est loin d'阾re le cas. La lib閞alisation des 閏hanges est incompl鑤e dans de nombreux secteurs-cl閟, d'importantes cr阾es tarifaires subsistent; les n間ociations se poursuivent dans des secteurs cruciaux comme les t閘閏ommunications ou les services financiers; et m阭e les r閟ultats finals du Cycle d'Uruguay dans l'agriculture, les textiles ou les march閟 publics laissent beaucoup ?d閟irer. Il reste suffisamment ?faire en mati鑢e de lib閞alisation pour nous tenir occup閟 au cours du si鑓le prochain. Il est vrai aussi que les pays ne sont pas tous 間alement int間r閟 dans le syst鑝e multilat閞al. Les progr鑣 de la mondialisation ont 閠?beaucoup plus importants en Europe, aux Am閞iques et en Asie qu'en Afrique, sans parler de grandes puissances 閏onomiques comme la Chine ou la Russie qui ne sont toujours pas Membres de l'Organisation mondiale du commerce.
Toutefois, si incomplets que soient nos progr鑣, la tendance de fond est indubitable. Toutes les voies - qu'elles soient multilat閞ales, r間ionales ou unilat閞ales - nous m鑞ent vers une plus grande libert?des 閏hanges. Dans tous les pays, tant d関elopp閟 qu'en d関eloppement, les droits NPF sont en nette diminution, et dans bien des cas, les droits appliqu閟 sont encore inf閞ieurs. Lorsque les engagements issus du Cycle d'Uruguay seront enti鑢ement mis en oeuvre, bien plus du tiers du commerce mondial se fera en franchise de droits. La plupart des restrictions non tarifaires ?la fronti鑢e ont 間alement 閠?abandonn閑s; celles qui ne l'ont pas encore 閠?devraient 阾re 閘imin閑s ou converties en droits selon un calendrier strict. Le commerce des services a d閖?閠?int間r?dans le syst鑝e multilat閞al et, en toute logique, il devrait bient魌 en 阾re de m阭e pour l'investissement. A l'int閞ieur des fronti鑢es, de nombreux pays proc鑔ent ?des r閒ormes fiscales, mon閠aires et structurelles tout aussi radicales, en vue d'adapter leur 閏onomie ?un environnement international de plus en plus ouvert et concurrentiel.
Mais c'est au niveau de la prise de conscience que s'op鑢e actuellement la transformation la plus fondamentale de toutes. Les t閘閏ommunications engendrent une audience mondiale, les transports font du monde un village. De Buenos Aires ?Boston en passant par Beijing, tout le monde regarde MTV, porte des jeans Levis, et va au travail en 閏outant son baladeur Sony. Peut-阾re pouvons-nous encore imaginer dans le monde actuel un gouvernement bloquant les jeans Levis ou les 閙issions de MTV ?la fronti鑢e. Mais arr阾er les marchandises et les services aurait pour cons閝uence la migration massive des gens et de l'investissement. Ce qui est en train de se passer, c'est une r関olution des citoyens ?l'閏helle mondiale. Et m阭e ceux qui n'aiment pas la direction dans laquelle nous entra頽e la mondialisation n'ont pas de plan r閍liste pour remettre le g閚ie dans la bouteille. C'est dans ce sens tr鑣 personnel que nous sommes tous ? pr閟ent des libre-閏hangistes.
Ces changements se refl鑤ent dans l'accroissement du volume du commerce mondial. Les courants d'閏hanges ont 閠?multipli閟 par 15 durant les quatre derni鑢es d閏ennies - atteignant 6 000 milliards de dollars l'ann閑 derni鑢e - alors que la production a sextupl? L'関olution mondiale de l'investissement 閠ranger direct est encore plus frappante. Ces dix derni鑢es ann閑s, les flux d'investissement dans le monde entier ont plus que quadrupl? passant d'environ 60 milliards de dollars ?pr鑣 de 300 milliards de dollars par an. Ces chiffres font appara顃re la nouvelle logique de la mondialisation. La r閐uction syst閙atique des obstacles au commerce dans le monde entier, jointe ?des baisses spectaculaires des co鹴s de transport et de communication, a permis l'閙ergence d'un syst鑝e mondial de production, de distribution et de consommation, dans lequel les entreprises sont de plus en plus libres d'assembler des intrants provenant des quatre coins du monde et d'alimenter un march?間alement mondialis? Il s'en est suivi une acc閘閞ation des flux d'investissement mondiaux, les entreprises d閏ouvrant que la meilleure fa鏾n d'obtenir un avantage comparatif en termes de production, d'approvisionnement, de distribution et de technologie est d'閠ablir une pr閟ence directe sur les march閟 閠rangers.
On estime que la production des filiales 閠rang鑢es de soci閠閟 multinationales est maintenant sup閞ieure ?la valeur du commerce mondial des marchandises et des services, que les 閏hanges internes des soci閠閟 multinationales repr閟entent plus du tiers du commerce mondial, un autre tiers correspondant aux exportations hors groupe. Alors qu'autrefois le commerce consistait en 閏hanges de marchandises entre des entreprises nationales op閞ant ?partir de march閟 nationaux, il s'agit aujourd'hui autant de mouvements de composants, de services et de technologies dans et entre des entreprises mondiales op閞ant sur les march閟 mondiaux. Alors qu'autrefois l'investissement 閠ranger 閠ait consid閞?comme un succ閐an?du commerce - un moyen de passer par-dessus les obstacles nationaux - il est ?pr閟ent consid閞?par beaucoup de soci閠閟 comme une condition n閏essaire. Nous en arrivons au point o?le commerce et l'investissement font maintenant partie du tissu de l'activit?閏onomique internationale.
Comme des feuilles en automne, les obstacles au commerce et ?l'investissement continueront d'阾re balay閟 les uns apr鑣 les autres par la mondialisation. Mais le puissant vent du changement met d閖?notre capacit?d'adaptation ?l'閜reuve. Le d閒i imm閐iat est d'int間rer les pays en d関eloppement en progression rapide. Nul ne tirera meilleur profit de la mondialisation que ces pays. De nos jours, la production se d閜lace, les capitaux voyagent et la technologie est diffuse. Tous les pays, d関elopp閟 et en d関eloppement, se battent pour les m阭es investissements, se disputent les m阭es march閟 et essaient de faire sur le plan de l'innovation la perc閑 qui leur donnera l'avantage. En ce sens, la mondialisation a gomm?les vieilles r鑗les de base de la croissance 閏onomique, fournissant aux pays autrefois rel間u閟 sans appel dans la cat間orie "tiers monde" les outils n閏essaires pour acc閘閞er leur d関eloppement. Les taux de croissance sans pr閏閐ent de certains pays d'Asie et d'Am閞ique latine en voie d'industrialisation sont la preuve qu'un 閚orme changement dans la r閜artition du pouvoir 閏onomique est en cours. Les pays en d関eloppement assurent maintenant un quart du commerce mondial, contre moins de 20 pour cent il y a cinq ans. Un tiers des 25 principaux exportateurs et importateurs du monde sont ? pr閟ent des pays en d関eloppement, dont l'Argentine. Il y a 20 ans, seuls 5 pour cent des produits manufactur閟 des pays industrialis閟 閠aient import閟 de pays en d関eloppement; en 1990, ce chiffre avait atteint 15 pour cent, et en 1994, plus de 20 pour cent.
Certains craignent d閖?que l'閙ergence de pays en d関eloppement particuli鑢ement importants n'envoie des ondes de choc dans le syst鑝e. Ils s'inqui鑤ent de ce que l'augmentation des exportations en provenance des pays 閙ergents n'accentue la pression sur les 閏onomies ouvertes du monde d関elopp? ce qui pourrait se traduire, au moins dans les secteurs sensibles, par une incertitude et des troubles 閏onomiques. D'autres se demandent comment nous allons g閞er un syst鑝e commercial de plus en plus complexe, qui gagne en largeur et en profondeur. A cela, je r閜ondrai simplement que tous ces probl鑝es peuvent 阾re mieux g閞閟 dans le cadre du syst鑝e global existant qu'en dehors de lui. A mesure que les pays en d関eloppement s'int鑗rent davantage dans l'閏onomie mondiale, nous n'avons pas d'autre choix que de les associer de mani鑢e plus 閠roite et plus transparente ?l'閘aboration de r鑗les et ?la cr閍tion d'institutions au plan international, afin de garantir la stabilit?de m阭e que l'関olution du syst鑝e. Cela souligne bien entendu la n閏essit?cruciale d'int間rer fermement dans l'OMC la Chine, la Russie et tous les candidats qui demeurent ? l'ext閞ieur du syst鑝e multilat閞al. Personne ne s'attend ?ce que la t鈉he soit ais閑. L'accession de grands pays en transition pose notamment des questions de fond essentielles, auxquelles on ne peut pas r閜ondre en compromettant l'int間rit?des r鑗les ou les int閞阾s des Membres existants. N閍nmoins, nous ne pouvons maintenir longtemps un syst鑝e coh閞ent de r鑗les globales qui soit menac?de l'ext閞ieur. Si nous n'accueillons pas dans nos murs un acteur 閏onomique de poids comme la Chine, nous risquons de n'avoir d'Organisation mondiale du commerce que le nom.
Un autre d閒i majeur est de canaliser de fa鏾n constructive la concurrence internationale croissante pour les march閟 d'exportation, pour l'investissement, et, de plus en plus, pour la technologie, concurrence qui s'exerce au grand jour, dans un r閟eau en expansion de zones commerciales r間ionales et suprar間ionales. La logique du r間ionalisme fait que certains groupes de pays peuvent aller plus loin et plus vite que d'autres dans la voie de la lib閞alisation. Mais l'une des principales forces qui font avancer le r間ionalisme aussi rapidement est la course pour se tailler une part plus importante des exportations et de l'investissement. Des pays concluent des accords de libre-閏hange afin d'accro顃re leur acc鑣 aux march閟 et ?l'investissement, ce qui pousse les autres ? se joindre ?la course de peur de rester sur la touche. Les accords de libre-閏hange ont donc un effet de domino. L'ann閑 derni鑢e, l'OMC avait d閖?identifi?une centaine de groupements bilat閞aux ou r間ionaux, et chaque mois nous apprenons que de nouvelles alliances se sont conclues ou que d'autres se sont 閘argies.
Jusqu'? pr閟ent, cela a g閚閞alement 閠?positif. Les accords r間ionaux ont servi de tremplin ?la lib閞alisation mondiale, ils ont jou?le r鬺e important de creuset de l'innovation en mati鑢e de politique commerciale, et ils peuvent cr閑r une tension cr閍trice au sein du syst鑝e pris dans son ensemble, acc閘閞ant le rythme d'autres initiatives r間ionales et multilat閞ales. Ce que je crains, ce n'est pas tant que les accords r間ionaux se referment sur eux-m阭es, mais que leur dynamisme m阭e ne laisse le syst鑝e multilat閞al ?la tra頽e. Si la lib閞alisation r間ionale devance le processus de l'OMC, le risque est que nous manquions d'un cadre commun de r鑗les et de disciplines. Si nos int閞阾s 閏onomiques sont progressivement d閒inis en termes r間ionaux et non mondiaux, il sera de plus en plus difficile de trouver la masse critique de pays dont le syst鑝e multilat閞al a besoin pour vivre. Le danger est d'aboutir ?un monde fragment? qui nourrisse les frictions et les rivalit閟 interr間ionales sans disposer de l'architecture globale de r鑗les et de proc閐ures n閏essaires pour les g閞er.
La solution ?long terme n'est pas d'essayer de restreindre les accords r間ionaux, sauf ? s'assurer qu'ils continuent de promouvoir les 閏hanges et qu'ils respectent les dispositions de l'article XXIV du GATT, ce qui reviendrait ?tenter de brider la mondialisation. La solution est de faire en sorte que les deux courants de lib閞alisation, r間ional et multilat閞al, se renforcent mutuellement, que toutes les voies m鑞ent en d閒initive ?l'OMC. En d'autres termes, la solution est de multilat閞aliser le r間ionalisme chaque fois que cela est possible. Une r閜onse peut 阾re trouv閑 dans le principe 閚onc?par certains des groupements r間ionaux de cr閍tion r閏ente: l'engagement en faveur du "r間ionalisme ouvert". Ce que cela signifie en th閛rie, c'est la convergence, ?savoir que la suppression des obstacles ?l'int閞ieur d'un bloc sera mise en oeuvre plus ou moins au m阭e rythme que l'abaissement de ceux qui existent vis-?vis des non-membres. Dans les faits, cela pourrait prendre une signification proprement r関olutionnaire: en soutenant "l'ouverture", les accords commerciaux r間ionaux pourraient jouer le r鬺e de catalyseur du libre-閏hange mondial.
Voil? qui nous m鑞e au troisi鑝e d閒i qui nous attend dans les ann閑s ?venir: s'assurer que le syst鑝e commercial multilat閞al est v閞itablement universel. Nous allons peut-阾re dans le sens d'une plus grande libert?du commerce, mais les progr鑣 sont in間aux. Les obstacles r閟iduels et les pratiques discriminatoires d閠ournent les courants d'閏hanges et d'investissement, ce qui peut se traduire par de l'incertitude et des frictions. Cette situation est aggrav閑 lorsque les r鑗les commerciales ne suivent pas le rythme de l'accroissement de l'int間ration 閏onomique. Ce qui a la plus forte incidence sur la forme et l'orientation de l'activit?閏onomique aujourd'hui - r鑗les de la concurrence et flux d'investissement mondiaux, en particulier - ce n'est pas tant les obstacles ?la fronti鑢e que les structures de l'閏onomie int閞ieure. L? il y a de plus en plus de risques de frictions commerciales, en raison non pas de divergences au sujet des r鑗les, mais de l'absence de r鑗les.
Lors du Cycle d'Uruguay, nous avons r間l?les questions qui se posaient en 1986. Nous devons maintenant nous attaquer ?celles qui se posent en 1996 et au-del? Mais l? il ne sera pas toujours facile de mettre en place de nouvelles r鑗les. Pendant pr鑣 de 50 ans, les n間ociations multilat閞ales ont presque exclusivement port?sur la suppression des obstacles ?la fronti鑢e, selon un syst鑝e qui 閠ait fondamentalement mercantile: l'閏hange d'une concession tarifaire contre une autre. Toutefois, le nouveau d閒i sera moins de r間lementer les relations entre les 閏onomies nationales que d'閠ablir les r鑗les et les structures d'une 閏onomie transnationale. Il n'est pas s鹯 que nous sachions clairement comment ?la fois 閘aborer des r鑗les et mener des n間ociations dans le domaine tarifaire. Il n'est pas s鹯 non plus, lorsque nous n間ocions dans le domaine des services, des normes ou de l'investissement, que nous sachions comment mesurer une concession tarifaire ou un acc鑣 au march?#148;, ni que ces concepts conservent la m阭e signification dans une 閏onomie transnationale. Le fait est que dans des nouveaux domaines tels que les services financiers, les t閘閏ommunications ou l'investissement, les int閞阾s des producteurs et des consommateurs, des exportateurs et des importateurs, des pays d関elopp閟 et des pays en d関eloppement se rejoignent de plus en plus. Le commerce est un secteur dans lequel les partenaires ont toujours eu quelque chose ?gagner, mais cela est d'autant plus vrai dans une 閏onomie mondiale o?la comp閠itivit?et l'innovation d閜endent de plus en plus de l'ouverture aux flux de technologies, de savoir-faire et d'id閑s.
C'est dans ce contexte que nous devons 間alement commencer ?relever les grands d閒is qui nous attendent ?l'approche du XXIe si鑓le: emploi, croissance, d関eloppement durable, etc. Ces d閒is exigent de plus en plus des solutions globales du simple fait que l'interd閜endance mondiale s'accro顃. Il est malheureusement vrai que nous sommes encore loin de corriger les d閟閝uilibres actuels qui affectent l'閏onomie mondiale, de m阭e que nous ne sommes pas pr鑣 de corriger ceux qui existent dans les pays les plus riches. Il est vrai aussi que ces d閟閝uilibres aux niveaux mondial et national sont absolument inacceptables.
Mais, je le dis clairement: la lib閞alisation demeure le moteur le plus important de la croissance au niveau mondial, ce qu'av鑢ent des 閠udes telles que le r閏ent Rapport mondial sur le d関eloppement humain qui rel鑦e que, si 1,5 milliard d'individus dans le monde sont plus pauvres qu'autrefois, plus de 3 milliards vivent mieux qu'? aucun moment de l'histoire. La tendance g閚閞ale est ?une am閘ioration lente mais importante du d関eloppement humain dans presque tous les pays ces derni鑢es d閏ennies. Le libre-閏hange ne peut assurer la distribution de la richesse qu'il cr閑. C'est l?la t鈉he principale des gouvernements au niveau national et - du fait de la dimension de plus en plus mondiale des probl鑝es - au niveau international. Si les pays demandent ?l'閏onomie mondiale une plus forte protection au nom d'une plus grande 間alit?socio-閏onomique, ils jetteront le b閎?avec l'eau du bain. Mais, pareillement, si nous ne trouvons pas de solutions aux probl鑝es de la pauvret?dans les pays les moins avanc閟 ou du ch鬽age dans le monde entier, alors, j'en suis certain, nous compromettrons s閞ieusement la croissance et le progr鑣 mondiaux.
La communaut?mondiale a toutes les raisons d'阾re fi鑢e alors que ce si鑓le touche ?sa fin. Les murs qui nous s閜arent s'閏roulent - au plan 閏onomique, politique et id閛logique - apr鑣 un si鑓le de conflits nationaux sanglants. La masse des pays en d関eloppement est tir閑 vers le haut par le commerce et la technologie, effa鏰nt l'une des plus vilaines cicatrices laiss閑s par la premi鑢e r関olution industrielle. Et nous sommes profond閙ent engag閟 dans un processus d'int間ration mondiale et de croissance 閏onomique toujours plus 閠endue, processus qui offre la meilleure chance qu'on n'ait jamais eue d'arriver ?une paix mondiale durable. Ce devrait 阾re le moment pour nous, ?la veille du cinquanti鑝e anniversaire de la cr閍tion du GATT, de f阾er notre r閡ssite et de nous tourner vers la voie trac閑 pour l'avenir.
Si certains d'entre nous sont inquiets aujourd'hui, c'est peut-阾re parce que nous ne savons pas encore clairement o?cette voie nous conduit. En un sens, nous sommes victimes de notre propre succ鑣. La chute du mur de Berlin et la conclusion du Cycle d'Uruguay n'ont pas simplement symbolis?la fin d'un long combat, mais aussi la disparition d'un objectif commun. Sur le point d'instaurer cette communaut?mondiale des nations qui semblait si lointaine il y a dix ans, nous manquons subitement d'un objectif unificateur. L'Everest a 閠?vaincu. En m阭e temps, la motivation id閛logique qui nous animait a disparu. Les clivages de la seconde moiti?du si鑓le ne refl閠aient pas seulement un conflit d'int閞阾s 閏onomiques ou politiques, mais l'affrontement des id閑s. Au plan 閏onomique, c'閠ait le combat des pays ?閏onomie de march?contre l'immobilisme et le repli sur soi. Au plan politique, c'閠ait la d閙ocratie lib閞ale contre le totalitarisme. Mais ce dragon bic閜hale a maintenant 閠?abattu. Les grandes id閑s peuvent faire place ?la lente mise au point des d閠ails techniques. Il est possible que les grandes alliances soient 閏lips閑s par les querelles mesquines et les d閎ats sans fin.
Mais notre malaise actuel va plus loin que le sentiment de vide qui nous saisit ?la fin d'un long voyage. La lib閞alisation et le progr鑣 technologique ont radicalement et irr関ersiblement chang?le paysage 閏onomique. Nous avons fait le grand saut dans la mondialisation, mais il s'agit d'un monde pour lequel nous n'avons encore pas de r閜onses claires et que peu de rep鑢es, ?l'exception des politiques et institutions du pass? Mais le d閟閝uilibre majeur r閟ide peut-阾re dans le fait que les probl鑝es 閏onomiques, sociaux et environnementaux r閑llement importants auxquels nous sommes confront閟 ?la fin de ce si鑓le sont v閞itablement des probl鑝es mondiaux qui exigent une vision mondiale et des r閜onses mondiales. Or, les gouvernements sont des entit閟 nationales, dont la caract閞istique g閚閞ale est d'阾re sensibles uniquement aux pr閛ccupations et pressions locales et de rechercher des solutions locales. Pire encore, faute de r閜onses mondiales, nous risquons d'avoir l'impression de ne pas pouvoir ma顃riser le futur. La technologie sera consid閞閑 non pas comme un outil destin?? nous aider ?progresser, mais comme une machine qui nous emm鑞e on ne sait o? La mondialisation sera ressentie non comme un processus fondamentalement lib閞ateur, mais comme un ph閚om鑞e contraignant et d閠erministe.
Il y a heureusement des r閜onses mondiales qui sont d閖??notre port閑. L'OMC a 閠? la premi鑢e grande institution internationale ?阾re cr殫e au cours de la p閞iode post閞ieure ?la guerre froide et au Cycle d'Uruguay. C'est important car l'OMC, j'en suis convaincu, est l'閎auche d'une architecture globale comme celle dont nous avons besoin au cours des d閏ennies ?venir. Elle est issue de la pression exerc閑 par la base en faveur du libre-閏hange et d'une plus grande int間ration; ce n'est pas une institution centralis閑 et bureaucratique impos閑 d'en haut. Sa culture est fermement ancr閑 dans la tradition de la recherche du consensus et de la coop閞ation entre des pays souverains. Surtout, elle consacre des droits et des obligations qui ont force ex閏utoire, non par l'exercice brut du pouvoir 閏onomique, mais par la primaut?du droit.
Le succ鑣 de notre nouvelle organisation d閜endra en grande partie du travail que nous allons fournir dans la p閞iode ?venir. Il nous faut consolider les r閟ultats du Cycle d'Uruguay, convenir d'un plan de travail couvrant la p閞iode d'ici ?la fin du si鑓le, lequel avait d閖?閠?pr関u ?la fin du Cycle d'Uruguay dans ce que l'on a appel? le Programme de travail incorpor? et commencer ?faire face aux d閒is 閏onomiques et g閛politiques r閑llement importants que pose un monde globalis? Mais plus que d'un simple plan, c'est d'une id閑 directrice dont nous avons besoin. Cette id閑, c'est la r閍lisation du libre-閏hange mondial, la d閙olition des derniers murs de l'ordre 閏onomique ancien. La progression vers un commerce libre de tout obstacle s'est acc閘閞閑 lors du Cycle d'Uruguay avec l'閘argissement des n間ociations dites z閞o pour z閞o. Et cet objectif est r閍lis?au plan r間ional dans le cadre du MERCOSUR, de l'ALENA, de l'APEC, de l'UE et des nombreuses autres unions douani鑢es et zones de libre-閏hange qui se multiplient dans le monde. Le moment est venu de relier tous ces fils disparates. A l'aide des calendriers que nous avons d閖?閠ablis au titre des divers accords r間ionaux, marchons vers un monde sans fronti鑢es 閏onomiques. Avec la premi鑢e R閡nion minist閞ielle de l'OMC ?Singapour, nous apporterons les premiers 閘閙ents de r閜onse importants ?ces questions. Ce que nous pouvons d閙ontrer, c'est que l'OMC est r閟olument tourn閑 vers l'avenir, que nous avons un plan de travail et que les lendemains de Singapour sont pleins de promesses.
En effet, nous ne pouvons pas nous permettre d'閏houer ?Singapour. Si tel devait 阾re le cas, nous serions tent閟 de nous tourner vers le bon vieux temps - si mal d閒ini soit-il - et de revenir aux vieilles m閠hodes et aux mod鑜es du pass? S'agit-il de la p閞iode d'avant 1914, lorsque le commerce mondial 閠ait fait d'un enchev阾rement de transactions bilat閞ales discriminatoires? Pensons-nous au bon vieux temps du tarif Smoot-Hawley, avec ses droits de douane prohibitifs et ses combines commerciales r閏iproques? C'est justement ?cause de ce bon vieux temps - et du chaos 閏onomique qui s'en est suivi - que la communaut?des nations d'apr鑣 guerre a choisi la voie de la lib閞alisation progressive des 閏hanges sous l'間ide d'un syst鑝e multilat閞al non discriminatoire. Mais l'ennui, avec ce rem鑔e, c'est que le bon vieux temps n'existe plus. Le protectionnisme dans notre monde d'閠roite interd閜endance n'est pas une recette pour att閚uer la douleur ou fermer la porte ?la mondialisation. C'est le plus s鹯 moyen d'aviver la douleur et les souffrances, une voie qui m鑞e, non pas ?quelque bon vieux temps mythique, mais aux conflits, ?la violence et ?la guerre. La lib閞alisation n'est certes pas un processus facile, mais le co鹴 du retour ?la protection dans ce nouveau monde globalis?serait intol閞able.
Le r鬺e du choix dans l'histoire est trait?par Karl Marx dans son fameux aphorisme: Les hommes font leur propre histoire, mais ils ne la font pas tout ?fait comme ils le souhaitent. Marx avait en partie raison. Si nous ne pouvons pas bloquer l'avenir, nous ne devons pas non plus le laisser nous balayer. La mondialisation, comme je l'ai d閖?dit, est de plus en plus une r閍lit? Nous avons le choix entre g閞er cette r閍lit?et tirer profit de son immense potentiel, ou essayer de r閟ister ? l'in関itable. La question n'est pas de savoir ?quelle vitesse nous progressons vers la mondialisation, mais si nous voulons que ce processus se d閞oule dans le cadre de r鑗les du jeu mutuellement convenues, ou que r鑗ne la loi du plus fort, laquelle ne s'exercera probablement plus au niveau national - quel que soit le pouvoir de celui qui domine - mais au niveau r間ional, voire continental. Aucun d'entre nous n'est plus assez puissant pour pr閟erver sa s閏urit?閏onomique dans une telle jungle. Une interd閜endance plus 閠roite signifie que nous tous - grandes et petites puissances - avons int閞阾 ?maintenir fermement le syst鑝e sur les rails.
L'enjeu, alors que nous contemplons l'avenir du syst鑝e multilat閞al, d閜asse de beaucoup le commerce ou l'閏onomie. Des questions de s閏urit?politique et 閏onomique sont en cause. Il s'agit de savoir comment organiser les relations entre les pays et les peuples, et de d閠erminer si nous encourageons la solidarit?internationale ou si nous plongeons dans une spirale de frictions et de conflits mondiaux. Il y a 50 ans, ayant subi l'閜reuve de la guerre et du d閟astre 閏onomique, les hommes d'Etat ont choisi de construire une libre communaut?de nations coexistant dans un monde sans fronti鑢es. A la fin de ce si鑓le et du mill閚aire, leur vision est en passe de devenir r閍lit? La victoire est proche, ne faiblissons pas dans nos convictions.